La Chambre sociale de la Cour de cassation admet implicitement dans un arrêt du 30 mars 2022 la validité, comme moyen de preuve, un extrait d’une page professionnelle Linkedin.
Dans les faits, une salariée obtient la requalification de la rupture de son contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Néanmoins, les juges du fond limite le montant des dommages et intérêts alloués à la somme de 10 000 € en retenant l’argumentation de l’employeur, lequel faisait plaider au soutien de la page Linkedin de la salariée que cette dernière avait retrouvé rapidement un emploi après la rupture des relations contractuelles.
La salariée, insatisfaite du quantum des sommes allouées, se pourvoit devant la Haute juridiction.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 30 mars dernier, se fonde elle-aussi sur la page professionnelle de la salariée sur le réseau Linkedin pour casser l’arrêt de la Cour d’appel :
« Pour condamner l’employeur à payer à la salarié une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient, au visa de la pièce 32, que la salariée a retrouvé un emploi depuis octobre 2014, soit un mois après son licenciement.
En statuant ainsi, alors que la pièce 32, profil Linkedin de la salariée, mentionne, qu’à compter d’octobre 2014, celle-ci a réalisé une étude et effectué des démarches en vue de la reprise d’une entreprise, et non qu’elle a retrouvé un emploi, la cour d’appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE »
Ainsi, la Haute juridiction admet une nouvelle fois (implicitement) la recevabilité des extraits issus du profil Linkedin des salariés au soutien de demandes.
Si cet arrêt, inédit au demeurant, n’apporte aucune évolution au droit positif, il permet toutefois de rappeler les règles de preuve devant les juridictions sociales.
Il convient tout d’abord de rappeler qu’en matière prud’homale, le principe est que la preuve est libre.
Toutefois, la liberté de la preuve est limitée par d’autres principes.
Le premier est issu du Code de procédure civile : la loyauté de la preuve. Ce qui signifie que toute preuve obtenue par des manoeuvres frauduleuses doit, en principe, être écartée des débats.
Le second est le respect à la vie privée et personnelle des salariés, lequel peut rendre irrecevable le moyen de preuve utilisé. A cet égard, la Cour de cassation opère un contrôle similaire à toute confrontation entre plusieurs droits et libertés fondamentaux : la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle du salarié est possible à la condition que ladite production soit nécessaire à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Cass. Soc. 9 novembre 2016 n° 15-10.203).
C’est notamment l’arrêt dit « Petit Bateau », rendu le 30 septembre 2020, qui a reconnu la possibilité pour l’employeur, au nom du droit à la preuve, de produire en justice des éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié. Dans ce cas d’espèce, l’employeur avait reçu un message d’un des amis Facebook de la salariée l’informant du contenu du compte privée de cette dernière…
En somme, même lorsque la publication est privée, la Haute juridiction admet dans certain cas la recevabilité de ce mode de preuve.
Et lorsque la publication est publique, à l’instar d’un post ou d’une information sur Linkedin, celle-ci peut valablement être utilisée par les parties. Raison pour laquelle la Cour de cassation dans l’arrêt ici présenté s’est fondé sur un extrait Facebook dans ses motifs de cassation.
En qualité de salarié, vous avez tout intérêt à être attentif aux informations que vous décidez de diffuser sur les réseaux sociaux, surtout lorsque vous êtes en litige avec votre employeur.
Un manque d’attention peut se retourner contre vous!
Quant aux employeurs, les comptes Linkedin des salariés peuvent être une source précieuse d’information et des pièces potentielles dans le cadre d’une instance prud’homale.
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