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Peut-on faire un référé probatoire pour prouver une discrimination?

La Cour de cassation, dans un arrêt du 22 septembre 2021, confirme sa position sur la possibilité, pour des salariés, d’introduire une instance devant le Conseil de prud’hommes sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile pour obtenir des éléments de l’employeur destinés à démontrer une situation de discrimination. 

Pour rappel, l’article 145 du CPC dispose que : 

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Dans cette espèce, un salarié détenant un mandat syndical fait un référé probatoire devant les juridictions prud’homales aux fins d’obtenir une importante quantité de données de son employeur, estimant qu’il justifiait d’un motif légitime pour obtenir ces éléments, à savoir une potentielle situation de discrimination : 

« un extrait unique du registre du personnel correspondant à son établissement d’embauche avec mention de tous les salariés ayant une ancienneté similaire, à plus ou moins deux ans près, avec la mise à jour des dates de changement d’emploi et de qualification conformément aux exigences des articles D. 122-21 et D. 1221-23 du code du travail, les nom, prénom, sexe et date d’entrée de chacune des personnes embauchées la même année à plus ou moins deux ans près dans la même catégorie, au même niveau de qualification au sein de leur établissement d’embauche ainsi que leurs bulletins de paie du mois de décembre de chaque année depuis leur embauche, leurs dates de changement de qualification, position et coefficient et leur périodicité, leur qualification, position et coefficient actuels, les formations suivies et leurs dates, le salaire net imposable et brut actuel, leurs fiches d’évolution (système d’information ressources humaines) et un tableau récapitulant l’ensemble des informations données ci-dessus »

L’employeur, considérant que ces données personnelles de ses salariés n’avaient pas à être transmises au demandeur, fournit en cours d’instance un panel anonymes ainsi que des fiches individuelles de 10 salariés. La Cour d’appel valide cette transmission et déboute le salarié de ses autres demandes. 

Le litige est porté devant la Cour de cassation. 

La Haute juridiction va tout d’abord rappeler que l’article 145 du Code de procédure civile doit être apprécié à l’aune des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que des articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile. 

Sur ces fondements, la Cour considère qu’il appartient au juge saisi d’une demande de communication de pièces basée sur l’article 145 du CPC de rechercher : 

1/ Si cette communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve ; 

2/ Si elle est proportionnée au but poursuivi 

3/ Si ces éléments sont de nature à porter atteinte à la vie privée, auquel cas, de vérifier si les mesures sont indispensables et proportionnées au but poursuivi. 

Elle rappelle enfin que les juges peuvent toujours cantonner, au besoin, le périmètre de production afin de respecter les conditions susvisées. 

La Cour de cassation casse en conséquence l’arrêt rendu par la Cour d’appel. 

Cette décision est conforme à la position de la Haute juridiction (voir notamment en ce sens : Soc., 16 décembre 2020, pourvoi n° 19-17.648). Il en résulte que l’employeur ne peut uniquement se baser sur la protection de la vie privée pour tenter d’obtenir le débouter des référés probatoires des salariés, il doit faire la démonstration du caractère disproportionnée de l’atteinte par rapport au but poursuivi par les demandeurs.