Maladie professionnelle en cours de reconnaissance : le salarié déjà protégé contre le licenciement

Dans un arrêt du 24 septembre 2025 (n° 22-20.155, publié au Bulletin), la chambre sociale de la Cour de cassation renforce la protection du salarié atteint d’une maladie d’origine professionnelle, en jugeant que le bénéfice du régime protecteur s’étend à la période d’instruction de la demande de reconnaissance par la CPAM.
La protection attachée à la suspension du contrat pour maladie professionnelle ou accident du travail

Quelques rappels

L’article L.1226-9 du Code du travail dispose, s’agissant des suspensions pour accident du travail ou maladie professionnelle, que : « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie. »

Ce régime protecteur constitue la différence essentielle avec l’arrêt maladie « simple » qui n’octroie aucune protection particulière au salarié. 

Néanmoins, une question se pose systématiquement, à partir de quelle date doit-on prendre en considération cette protection? 

En effet, de jurisprudence constante, cette protection s’applique dès lors que l’employeur à connaissance, au moment du licenciement, de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie professionnelle. 

Si cela parait simple, dans les faits, cette connaissance est sujette à débat. 

Et pour cause, qu’en est-il lorsqu’une demande de reconnaissance est en cours devant la CPAM qui mène son enquête? En pareille hypothèse, le salarié utilise le CERFA pour les AT/MP alors même qu’aucune reconnaissance n’est reconnue par la Caisse qui n’a pas fini son enquête au regard des éléments apportés par le salarié et son employeur. 

C’est très exactement le cas sur lequel s’est penché la Cour de cassation dans cet arrêt. 

Le juge doit rechercher si l'employeur avait connaissance du caractère professionnelle

En l'espèce

Dans l’affaire jugée, une salariée avait déclaré une maladie susceptible d’être d’origine professionnelle. Avant que la CPAM n’ait statué sur la reconnaissance de cette maladie, l’employeur avait engagé une procédure de licenciement, invoquant une désorganisation du service et l’impossibilité de maintenir le contrat.

La cour d’appel jugé nul licenciement, estimant que la protection prévue aux articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du Code du travail s’appliquait dès lors que «  le salarié rapportait la preuve que son employeur avait connaissance de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ».

L’employeur, avec son avocat en droit du travail, se pourvoit en cassation. 

La Cour de cassation censure les juges du fond au motif que c’est au juge prud’homal de rechercher si à la date du licenciement, l’employeur avait connaissance ou non de l’origine professionnelle de l’arrêt du salarié.

Et ce, indépendamment de la demande de reconnaissance du caractère professionnelle auprès de la CPAM et/ou de la contestation de cette demande par l’employeur.

Pour le dire autrement, une demande de reconnaissance d’un AT/MP n’a pas pour effet de faire bénéficier de facto le salarié du régime protecteur contre le licenciement.

 

La portée de l'arrêt

Un arrêt qui fait sens

Cet arrêt est bienvenu dans la mesure où une solution contraire aurait pu être source de dérives.

En effet, si le juge prud’homal était tenu d’appliquer le régime protecteur de l’article L.1226-9 du Code du travail dès lors qu’une demande d’accident du travail et/ou de maladie professionnelle était faite par un salarié, nul doute que nombre de salariés seraient tentés de faire des demandes abusives pour obtenir cette protection, surtout s’ils ont un doute quant à la poursuite de leur contrat de travail.

Les délais d’instruction, notamment pour une maladie professionnelle hors tableau, étant particulièrement longs, cela leur permettrait d’éviter la rupture de leur contrat… 

La Cour réaffirme ainsi les pouvoirs des juges du fond qui disposent d’une appréciation souveraine, au regard des éléments apportés par les parties, pour déterminer si un employeur avait connaissance ou non au moment de la rupture de l’origine professionnelle de l’arrêt de travail.