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Bulletin de paie et vie privée : la publication d’un bulletin de paie d’un délégué syndical ouvre droit à réparation

Dans une affaire opposant plusieurs syndicats de salariés entre eux, la Cour de cassation a considéré que la diffusion d’un bulletin de paie d’un délégué syndical dans un tract syndical constitue une atteinte à la vie privée dont la seule constatation ouvrait droit à réparation. 

Quelques rappels 

L’article 9 du code civil pose le principe du droit de chacun au respect de sa vie privée et l’article 8 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales énonce que chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

Selon l’article L.2142-5 du Code du travail, le contenu des affiches, publications et tracts est librement déterminé par l’organisation syndicale, sous réserve de l’application des dispositions relatives à la presse (loi du 29 juillet 1881 relatives à la liberté de la presse interdisant la diffamation, les fausses nouvelles, la provocation et les injures).

Le bulletin de paie est un justificatif de la rémunération que l’employeur doit obligatoirement remettre au salarié. Ainsi il comporte de nombreuses données à caractère personnel qui relèvent de la vie privée des salariés : âge, salaire, adresse personnelle, domiciliation bancaire, existence d’arrêts de travail pour maladie, etc.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle du salarié qu’à la condition que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Cass. soc., 9 novembre 2016, nº 15-10.203 ; Cass. 1re civ., 25 février 2016, nº 15-12.403).

Ainsi, il a déjà été jugé que l’employeur qui communique à des syndicats des bulletins de paie de salariés sans l’accord des intéressés et sans masquer les informations personnelles porte une atteinte injustifiée à leur vie privée (Cass. soc. 7-11-2018 n° 17-16.799 F-D).

En l’espèce,

Un salarié d’une société de conseil en poste depuis mai 2005, était titulaire de divers mandats de représentant syndical, notamment de délégué syndical CFDT sur l’établissement Île-de-France de la société et de délégué syndical groupe pour la CFDT. Il est l’un des médiateurs de la société.

Il se retrouve pointé du doigt par deux autres syndicats (le syndicat CGT Altran La Défense et le syndicat CGT Altran Sud-Ouest) dans des tracts diffusés auprès du personnel.

De nombreuses publications intitulées « Le Consultant Enchaîné », émanant de la CGT et des tracts visant expressément le délégué syndical ou sa fonction de médiateur le qualifient de « médiator », renvoyant directement à quelque chose qui tue, comme l’amiante ou au médicament, et allèguent l’existence d’une corruption de certains délégués syndicaux en établissant un lien entre, d’une part la signature d’accords collectifs défavorables aux salariés, d’autre part une augmentation de rémunération des représentants syndicaux les ayant signés et l’attribution d’emplois fictifs « médiators ».

La CGT avait reproduit sur un tract syndical intitulé « Les Corps Rompus à la Direction » une copie partielle du bulletin de janvier 2008 du délégué syndical puis une copie partielle de son bulletin de mars 2017 avec la mention suivante :

« Notre délégué syndical CFDT a ainsi vu sa rémunération mensuelle brute progresser de 84,42 % en 9 ans ! »

Estimant que ces publications constituaient un manquement aux missions légales de la Fédération et des syndicats CGT, un harcèlement moral et une atteinte à la vie privée du salarié, celui-ci et le syndicat Betor Pub CFDT (branche du syndicat CFDT) ont saisi le tribunal de grande instance de Bobigny le 21 mars 2019, aux fins de condamnation de la fédération et des syndicats CGT au paiement de dommages-intérêts.

A la suite de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 19 mai 2022, le salarié et le syndicat CFDT faisaient valoir à l’appui de leur pourvoi que « les bulletins de paie d’un salarié, en ce qu’ils mentionnent notamment le montant de la rémunération individuelle, relèvent de la vie privée ». 

La Cour de cassation rappelle que pour débouter le salarié et le syndicat CFDT de leurs demandes de dommages-intérêts résultant de l’atteinte à la vie privée causée par la diffusion du bulletin de salaire du délégué syndical, l’arrêt de la Cour d’appel retient que les bulletins de salaire du salarié ont été publiés, que ce sont des éléments de sa vie privée qui ont été transmis à des tiers sans que l’intéressé ait donné son accord, mais que celui-ci n’apporte aucun élément de nature à établir que la communication, à des tiers, du montant de sa rémunération aurait eu un effet quelconque en termes de réputation, de carrière, d’image au sein de l’entreprise.

En statuant ainsi, alors que la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation, la cour d’appel a violé l’article 9 du Code civil.

Ainsi, chacun a droit au respect de sa vie privée et les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée.

Concernant la demande au titre du harcèlement moral, la Cour de cassation décide de statuer au fond sur la demande de dommages-intérêts au titre d’un harcèlement moral. Elle la rejette après avoir constaté la nullité de l’assignation, qui visait expressément l’article L.1152-1 du Code du travail, et non les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, alors qu’elle tendait à obtenir la réparation d’allégations diffamatoires ou injurieuses.

A retenir

→ Publier un bulletin de paie dans un tract syndical porte atteinte à la vie privée du salarié ;

→ Le seul constat de cette atteinte ouvre droit à réparation.

 

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