Insuffisance professionnelle ou faute disciplinaire : la Cour de cassation rappelle les limites de la sanction

Dans son arrêt du 17 septembre 2025 (n° 24-16.336), la chambre sociale de la Cour de cassation réaffirme une distinction fondamentale : l’insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute disciplinaire, sauf mauvaise volonté délibérée ou comportement fautif distinct.
Insuffisance professionnelle et faute disciplinaire

Quelques rappels

L’insuffisance professionnelle se caractérise par l’incapacité du salarié à accomplir ses missions de manière satisfaisante. 

Elle revêt un caractère qualitatif lorsqu’elle découle d’un manque de compétence ou se traduit par des carences et manquements répétés dans l’exécution des tâches confiées. 

Elle se distingue de la faute, qui contrairement à l’insuffisance professionnelle, revêt un caractère délibéré. 

La distinction entre l’insuffisance professionnelle et la faute contractuelle est important puisque les règles de droit diffèrent entre les deux.

La différence la plus important réside dans la prescription des faits fautifs qui n’a pas vocation à s’appliquer à l’insuffisance professionnelle. Ainsi, lorsqu’un employeur dispose d’un délai de deux mois pour sanctionner une faute d’un salarié, ce dernier peut reprocher à ce dernier une insuffisance sur une période remontant bien au-delà de ce délai. 

C’est pourquoi, à l’occasion d’un licenciement pour des carences d’un salarié, l’employeur doit choisir entre le licenciement pour faute ou le licenciement pour insuffisance professionnelle en fonction du caractère délibéré ou non des carences de ce dernier. 

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En l'espèce

Un salarié, cadre commercial, avait fait l’objet d’un licenciement pour faute grave, l’employeur lui reprochant des erreurs dans la gestion de dossiers clients, un manque d’efficacité dans le suivi des ventes et des manquements dans l’atteinte des objectifs.
Le salarié contestait la qualification disciplinaire du licenciement, soutenant que ces griefs relevaient d’une insuffisance professionnelle, et non d’un comportement fautif.

La cour d’appel avait validé la rupture, considérant que la répétition des erreurs et le caractère « dommageable » des manquements constituaient une faute justifiant le licenciement pour cause réelle et sérieuse: « l’employeur justifiait que cette dernière avait commis des « erreurs répétées » en matière de tenue de comptabilité dans le cadre de l’exécution de sa mission, susceptibles d’entraîner des conséquences dommageables pour lui « .

La Cour de cassation casse l’arrêt, au visa des articles L. 1232-1 et L. 1331-1 du Code du travail, rappelant que « L’insuffisance professionnelle, qui se traduit par une incapacité objective à exécuter correctement les tâches confiées, ne constitue pas en elle-même une faute disciplinaire, sauf si elle résulte d’un comportement volontaire ou d’un manquement délibéré du salarié à ses obligations. »

En l’espèce, la Haute juridiction relèvent que :

  • aucun élément ne démontrait une intention de nuire ou une résistance consciente aux directives ;

  • les insuffisances reprochées relevaient de l’inadaptation professionnelle, et non d’un comportement fautif.

Le licenciement pour faute grave est donc jugé sans cause réelle et sérieuse :

« En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si la mauvaise exécution des tâches et les erreurs commises par la salariée procédaient d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »

La portée de l'arrêt

Insuffisance professionnelle et faute : il faut choisir

La Cour rappelle une ligne jurisprudentielle constante : 

Insuffisance professionnelle Faute disciplinaire
Incompétence, maladresse, erreurs d’appréciation Non-respect volontaire des instructions, comportement fautif
Absence d’intention fautive Volonté délibérée ou négligence grave
Procédure de licenciement « non disciplinaire » Procédure disciplinaire (convocation, entretien, délai de prescription, etc.)

Confondre les deux notions expose l’employeur à un risque de requalification du licenciement, voire à une condamnation pour licenciement abusif.

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