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De l’omission de la DPAE au travail dissimulé, il n’y a qu’un pas

Jurisprudence du Cabinet

Le travail dissimulé

Le travail dissimulé, comme l’une des branches du travail illégal, questionne du fait des positions ambivalentes des chambres sociale et criminelle de la Cour de cassation.

Le travail dissimulé défini aux termes des articles L.8221-1 du code du travail, se distingue en deux catégories :

  • Le travail dissimulé par dissimulation d’activité ( Art. L82221-3 du code du travail)
  • Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ( Art. L82221-5 du code du travail), comportant trois conditions alternatives :
    • Défaut de « DPAE » (Déclaration Préalable à l’Embauche) ;
    • Manquement ou anomalie dans les bulletins de paie ;
    • Absence des déclarations relatives aux salaires et cotisations

L'obligation de DPAE

S’agissant de la première condition, tout salarié ne peut être embauché qu’à la condition que l’employeur procède en amont à la rédaction de cette DPAE (Art. L.1221-10 du code du travail).

Elle permet selon la CJUE de :

« garantir l’efficacité des contrôles opérés par les autorités nationales compétentes afin d’assurer le respect des conditions d’emploi imposées par le droit du travail ».

À défaut de cette déclaration, l’employeur s’expose à une peine d’amende administrative ou pénale prévue pour les contraventions de cinquième classe si le délit de dissimulation de travail par dissimulation d’emploi salarié est caractérisé.

Eléments cumulatifs pour constituer une infraction

Le fait pour un employeur, de procéder à du travail totalement ou partiellement dissimulé constitue un délit. Ainsi, trois éléments cumulatifs permettent de caractériser cette infraction :

Un élément matériel

Relatif au comportement actif ou passif de l’auteur, sanctionné par la loi.

Un élément légal

Principe de légalité des délits et des peines selon lequel « Nul ne peut être puni pour un crime ou un délit dont les éléments ne sont pas définis par le règlement » (Art. 111-3 du code pénal).

Un élément moral

Relatif à l’attitude psychologique de l’agent. Ce dernier doit avoir commis une faute en ayant conscience de la portée de son acte. Le fait fautif est l’œuvre de la volonté. (Art. 121-3 du code pénal)

Problématique

Bien que ces conditions soient cumulatives, la qualification du délit de travail dissimulé est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Soc. 19 janvier 2005 n° 121 FS-PB : RJS 3/05 n° 301). De ce fait, des problématiques apparaissent en raison des différentes positions jurisprudentielles adoptées par les chambres de la Haute juridiction, quant à l’existence de l’élément intentionnel.

Outre le fait que cet élément moral soit une condition fondamentale pour caractériser une infraction, le code du travail souligne également l’importance de cette intention coupable de l’auteur dans son article L.1221-10 et dispose dans son deuxième alinéa

« Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche; »

À ce titre, la chambre sociale et la chambre criminelle de la Cour de cassation, suivent un raisonnement aux antipodes l’une de l’autre :

La chambre criminelle

D’orientation plus répressive, elle n’exige pas la preuve de l’élément intentionnel. Elle réaffirme dans un arrêt du 10 mars 2017,

« La seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d’une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l’intention coupable exigée par l’article 121-3 du code pénal ».

L’élément moral est alors présumé, dès lors que l’élément matériel est avéré. Une présomption quant à l’élément intentionnel pèse alors sur l’employeur lorsqu’il n’accomplit pas ses obligations légales de déclaration aux organismes sociaux et fiscaux. Il est supposé par la matérialité des faits constatés, sans accorder d’attention à l’intention de l’employeur supposé, bien que les dispositions de l’article L8221-5 du Code du travail exige la preuve de cette intention.

Cette présomption presque irréfragable, interroge sur le respect de la présomption d’innocence garantie par l’article 9 de la DDHC. À ce sujet, la Cour de cassation dans un arrêt du 25 juin 2010 a refusé de soumettre au conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) soutenant cette atteinte au droit de la défense.

La chambre criminelle

D’orientation plus répressive, elle n’exige pas la preuve de l’élément intentionnel. Elle réaffirme dans un arrêt du 10 mars 2017,

« La seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d’une prescription légale ou réglementaire implique, de la part de son auteur, l’intention coupable exigée par l’article 121-3 du code pénal ».

L’élément moral est alors présumé, dès lors que l’élément matériel est avéré. Une présomption quant à l’élément intentionnel pèse alors sur l’employeur lorsqu’il n’accomplit pas ses obligations légales de déclaration aux organismes sociaux et fiscaux. Il est supposé par la matérialité des faits constatés, sans accorder d’attention à l’intention de l’employeur supposé, bien que les dispositions de l’article L8221-5 du Code du travail exige la preuve de cette intention.

Cette présomption presque irréfragable, interroge sur le respect de la présomption d’innocence garantie par l’article 9 de la DDHC. À ce sujet, la Cour de cassation dans un arrêt du 25 juin 2010 a refusé de soumettre au conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) soutenant cette atteinte au droit de la défense.

La chambre sociale

La chambre sociale exige avec rigueur, la nécessité pour admettre ce délit de dissimulation de travail, l’intention de l’employeur de pallier la réelle relation contractuelle l’opposant à son salarié. Ainsi, la simple erreur dans l’admission de la DPAE ou le recours à un contrat inapproprié demeure insuffisante pour qualifier le délit de travail dissimulé. (Cass. Soc., 3 juin 2009)

De plus, en vertu du principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur l’action portée devant la juridiction civile, la chambre sociale s’aligne quelquefois sur la conception de la chambre criminelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chambre sociale

La chambre sociale exige avec rigueur, la nécessité pour admettre ce délit de dissimulation de travail, l’intention de l’employeur de pallier la réelle relation contractuelle l’opposant à son salarié. Ainsi, la simple erreur dans l’admission de la DPAE ou le recours à un contrat inapproprié demeure insuffisante pour qualifier le délit de travail dissimulé. (Cass. Soc., 3 juin 2009)

De plus, en vertu du principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur l’action portée devant la juridiction civile, la chambre sociale s’aligne quelquefois sur la conception de la chambre criminelle.

Illustration affaire du Cabinet

Cette problématique relevant de l’intention coupable prouvée pour caractériser le délit de dissimulation de travail, s’est posée lors d’un dossier que j’ai personnellement traité.

Faits

En l’espèce, une société liée par un contrat à durée indéterminée avec son salarié, confiait l’entièreté de la gestion administrative du personnel à un tier. Le cabinet comptable tenu de réaliser cette gestion, n’a pas procédé à l’établissement d’une DPAE pour le salarié. Il a également fait preuve d’une résistance abusive dans la communication des données et archives sociales de la société, au nouveau prestataire prenant son poste. Le salarié a, à la suite de sa rupture de contrat, assigné son employeur devant le tribunal correctionnel au paiement de diverses sommes.

Argumentaire

Dans le cas d’espèce, la société n’avait pas la possibilité d’acquérir les antécédents administratifs du fait du refus du précédent cabinet. Les problématiques concernant le salarié ne trouvaient ainsi pas de résolution. S’agissant de la soustraction de DPAE, elle provient uniquement des négligences du cabinet et non d’une intention frauduleuse de l’employeur. D’autant plus, que toutes les autres formalités étaient accomplies. L’employeur n’avait alors aucune raison de dissimuler le travail de ses salariés tous déclarés par ailleurs (remise des bulletins de salaire, déclarations relatives aux salaires et cotisations etc..).

Par conséquent, il n’y avait pas lieu de condamner la société au délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, pour des faits d’embauche de salarié sans déclaration préalable conforme à l’organisme de protection sociale.

Solution

En conclusion, le jugement a requalifié les faits de dissimulation de travail au profit d’embauche de salarié sans déclaration préalable conforme à l’organisme de sécurité sociale. L’employeur ne s’est ainsi pas vu imputer un délit mais une contravention.

Portée de cette décision

La chambre criminelle présume l’intention, au seul motif de la présence des faits matériels. Les individus manquant à l’obligation de procéder à une DPAE, se voient alors condamnés pour le délit de travail dissimulé, bien que l’intention dolosive ne soit pas prouvée.

A contrario, le tribunal correctionnel de LYON a fait droit à la demande formulée, en reconnaissant le défaut de l’élément moral. C’est en adoptant une solution contraire et remarquable à celle adoptée habituellement par la chambre criminelle, qu’il a appliqué rigoureusement les fondements essentiels du droit avancés lors de ma plaidoirie.

L’essentiel ne résidait pas dans les enjeux pécuniers pour les prévenus, mais dans la portée juridique que pouvait avoir la décision. Dans l’hypothèse d’une condamnation pour le délit de travail dissimulé, le fait de recourir aux voies de recours était évident. Une problématique juridique avec des contradictions de la part des chambres de la Cour de cassation constitue une entorse aux principes fondamentaux du droit et notamment, à la sécurité juridique.

Conclusion

En définitive, les chambres criminelle et sociale de la Cour de cassation n’adoptent pas la même conception quant à l’élément intentionnel pour déterminer l’infraction de travail dissimulé.

L’admission de ce délit de dissimulation de travail par dissimulation d’emploi salarié ne revêt pas des conséquences semblables avec la contravention pour soustraction à l’obligation de DPAE. Dans la classification tripartite des infractions fondée selon leur gravité et non leur caractère intentionnel, la contravention est plus clémente.

C’est ainsi, qu’en cas de défaut d’une intention frauduleuse de la part de l’employeur, le délit de dissimulation de travail devrait être exclu pour se rapporter à la contravention ci-dessus.