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Un revirement de jurisprudence est un moyen recevable de cassation

Dans un arrêt publié et rendu en assemblé plénière le 31 mars 2021, la Haute Juridiction modifie sa jurisprudence antérieure et considère désormais que tout changement de norme intervenu lors d’une procédure judiciaire, y compris des revirements de sa jurisprudence, sont à prendre en considération pour la solution du litige. 

En l’espèce, un salarié sollicitait des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice d’anxiété. Il se voit débouté de sa demande par la Cour de cassation au motif que sa demande ne pouvait être accéder que s’il avait travailler sur un site éligible au dispositif ACAATA (Allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante). 

En effet, à cette date et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, seuls les salariés de ces établissements pouvait solliciter la réparation d’un préjudice d’anxiété. 

La Cour d’appel de renvoi applique elle-aussi cette jurisprudence et le salarié se pourvoi une seconde fois devant la Haute juridiction en s’appuyant sur la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Assemblée plénière, 5 avril 2019, n°18-17442), qui prévoit la possibilité pour tous les travailleurs de solliciter l’indemnisation de leur préjudice d’anxiété, y compris s’ils n’ont pas travaillé sur un établissement ACAATA.

La Haute Juridiction accueille ce second pourvoi et casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de renvoi en considérant que : 

« 7. Depuis 1971, la Cour de cassation juge qu’un moyen visant une décision par laquelle la juridiction de renvoi s’est conformée à la doctrine de l’arrêt de cassation est irrecevable, peu important que, postérieurement à l’arrêt qui a saisi la juridiction de renvoi, la Cour de cassation ait rendu, dans une autre instance, un arrêt revenant sur la solution exprimée par l’arrêt saisissant la juridiction de renvoi (Ch. mixte, 30 avril 1971, pourvoi n° 61-11.829, Bull. des arrêts de la Cour de cassation, Ch. mixte, n° 8, p. 9 ; Ass. plén., 21 décembre 2006, pourvoi n° 05-11.966, Bull. 2006, Ass. plén., n° 14).

8. Cette règle prétorienne, résultant d’une interprétation a contrario de l’article L. 431-6 du code de l’organisation judiciaire, repose essentiellement sur les principes de bonne administration de la justice et de sécurité juridique en ce qu’elle fait obstacle à la remise en cause d’une décision rendue conformément à la cassation prononcée et permet de mettre un terme au litige.

9. Cependant, la prise en considération d’un changement de norme, tel un revirement de jurisprudence, tant qu’une décision irrévocable n’a pas mis un terme au litige, relève de l’office du juge auquel il incombe alors de réexaminer la situation à l’occasion de l’exercice d’une voie de recours. L’exigence de sécurité juridique ne consacre au demeurant pas un droit acquis à une jurisprudence figée, et un revirement de jurisprudence, dès lors qu’il donne lieu à une motivation renforcée, satisfait à l’impératif de prévisibilité de la norme.

10. Cette prise en considération de la norme nouvelle ou modifiée participe de l’effectivité de l’accès au juge et assure une égalité de traitement entre des justiciables placés dans une situation équivalente en permettant à une partie à un litige qui n’a pas été tranché par une décision irrévocable de bénéficier de ce changement.

11. Enfin, elle contribue tant à la cohérence juridique qu’à l’unité de la jurisprudence.

12. Dès lors, il y a lieu d’admettre la recevabilité d’un moyen critiquant la décision par laquelle la juridiction s’est conformée à la doctrine de l’arrêt de cassation qui l’avait saisie, lorsqu’est invoqué un changement de norme intervenu postérieurement à cet arrêt, et aussi longtemps qu’un recours est ouvert contre la décision sur renvoi.« 

La Cour de cassation change donc sa doctrine et admet désormais la recevabilité d’un recours sur le fondement d’une jurisprudence nouvelle, dans un soucis de « cohérence juridique » et d' »égalité de traitement des justiciables« . 

Néanmoins, il est peut-être à regretter la création d’une certaine insécurité juridique. En effet, entre le début d’une procédure judiciaire et son terme, de nombreuses années s’écoulent, ce qui accroit le risque de changement de position de la Haute Juridiction en cours de route et, dès lors, l’issue du procès.

Ainsi, à l’aune de l’allongement abusif des délais de procédures, cette nouvelle doctrine peut être critiquée.