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L’employeur peut-il consulter des clés USB personnelle? Droit à la preuve et vie privée

Vie privée et moyen de preuve

L'employeur peut-il consulter et utiliser comme preuve des clés USB personnelles sur le lieu de travail non connectées à l'ordinateur professionnel ?

Sur la la présomption de professionalité des outils professionnels

Quelques rappels

Le droit à la preuve et le respect de la vie privée du salarié sont depuis plusieurs années sujets à débats et la Cour de Cassation a été amené, au travers de ses arrêts, à développer plusieurs principes et même une « présomption de professionnalité » des outils professionnels utilisés par la salariés.

En est-il ainsi du téléphone portable professionnel, de l’ordinateur professionnel ou encore de sa boite mail professionnelle et même d’une messagerie WhatsApp (CA PARIS, 20 avril 2023, n°22-17.157).

Ainsi, pour ces outils, la Haute juridiction considère qu’il y a une présomption du caractère professionnel permettant à l’employeur de les consulter et de les utiliser, notamment, comme moyen de preuve pour fonder une faute. 

C’est au salarié de renverser cette présomption, notamment en mentionnant expressément le caractère personnel sur ses fichiers, mails, et tout autre document intégré sur ces outils. Auquel cas, ces éléments ne pourront être consultés sans son consentement et en dehors de sa présence. 

La Cour de cassation est même allée plus loin en considérant que des clés USB (qu’elles soient personnelles ou professionnelles), dès lors qu’elles sont connectées à l’ordinateur professionnel vont, sûrement selon la théorie de l’accessoire, revêtir ce caractère professionnel (Cass. Soc. 12 février 2013, n° 11-28649 PB).

Néanmoins, aucun arrêt n’avait encore été rendu à ce jour dans l’hypothèse où lesdites clés (personnelle au demeurant) n’étaient pas connectées à l’ordinateur professionnel. 

 

clés usb preuve licite
Apporter une clés USB au travail

Attention à la possible consultation de votre employeur

Dans les faits

En l'espèce

Dans cette affaire rocambolesques, une salariée employée en qualité d’assistante technique depuis 37 ans (!) a été vu par ses collègues en train de réaliser des manipulations suspectes avec les données de l’entreprise :

  • Consultation de l’ordinateur de ses collègues et impression d’une quantité impressionnante de documents;
  • Stockage des documents dans des sacs poubelles avant de les cacher et de les sortir de l’entreprise;
  • Manipulation de clés usb sur son ordinateur professionnel. 

Ayant des doutes quant à la loyauté de la salariée et le contenu et la destination de la documentation imprimée, l’employeur mandate un huissier et un expert informatique pour consulter sans la présence de cette dernière plusieurs clés USB présentes sur son espace de travail en son absence. 

Après avoir fait trier les données personnels et professionnels par un expert sous contrôle de l’huissier, la société découvre que celles-ci contenaient l’intégralité des données de l’entreprise, dont en grande partie des données dont la salariée n’était pas amenée à utiliser dans le cadre de ses fonctions. 

Le licenciement pour faute grave est notifié à cette dernière au terme d’une procédure régulière (alors qu’une faute lourde aurait pu être envisagée). 

La salariée, mécontente de cette consultation, saisit la juridiction prud’homale aux fins de faire reconnaitre l’atteinte à sa vie privée et l’irrecevabilité de la preuve de son employeur. 

Respect de la vie privée

Quid des clés USB non connectées, atteinte ou non à la vie privée?

L’affaire sera portée jusqu’à la Cour de cassation, la salariée ayant été déboutée tant par le juge départiteur – affaire plaidée par Me David Erovic –  que par la Cour d’appel.

La Cour nous apporte une précision bienvenue sur la démarche de l’employeur. 

  1. La consultation d’une clés USB personnelle non connectée constitue une atteinte à la vie privée. 

La Haute juridiction n’applique tout d’abord pas la présomption de professionnalité aux données contenues dans une clés non connectée à un ordinateur professionnel, solution qui est logique puisque le salarié peut disposer de biens personnels sur son lieu de travail. 

2. L’atteinte portée à la vie privée du salariée doit être mis en exergue avec le droit à la preuve de l’employeur

La Cour de cassation considère néanmoins comme licite les données issues de la consultation, après avoir contrôler la proportionnalité de l’atteinte par rapport au droit à la preuve de l’employeur. 

En effet, les magistrats ont pu constater que (1) la société avait des doutes sérieux sur le contenu des clés, (2) que les moyens utilisés, à savoir huissier et expert informatique, avaient permis de supprimer les données personnelles contenues sur les clés, amoindrissant nécessairement l’atteinte portée. 

Dans le prolongement de sa saga, elle accueille dès lors le moyen de preuve nonobstant l’atteinte à la vie privée. 

 

Petit rappel sur l'équilibre des règles

Décision cohérente avec les décisions récentes sur la balance entre le respect de la vie privée et le droit à la preuve

Cet arrêt est à l’évidence le bienvenue en ce que : 

(1) D’une part, il s’inscrit dans la lignée des derniers arrêts rendus par la Cour de cassation sur la possibilité d’user d’une preuve portant atteinte à une liberté fondamentale (enregistrement clandestin de conversations privées, voir notamment ici). En effet, en cas de preuve déloyale, celle-ci n’est pas de facto irrecevable. 

Le juge doit mettre en balance les droits antinomiques, à savoir en l’espèce le droit à la vie privée et le droit à la preuve, c’est ce qu’on appelle le contrôle de proportionnalité. 

(2) D’autre part, une solution différente aurait été surprenante, on peut difficilement imaginer la jurisprudence accepter que le salarié enregistre son employeur à son insu, sans accepter la même faculté de porter atteinte à certains droits pour l’employeur, à savoir de consulter une clés USB contenant ses données… 

Évidemment, le sens de l’arrêt aurait été différent si la société n’avait aucun élément pour suspecter la salariée (donc pas de contrôle aléatoire), et si toutes les précautions n’avaient pas été prises pour supprimer les données personnelles de cette dernières (donc pas de consultation par le N+1 ou le dirigeant directement). 

En cas de doute, ou d’interrogation sur la recevabilité de vos moyens de preuve, contactez votre avocat en droit du travail à Lyon qui vous fera une analyse précise et in concreto de votre situation. 

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