Le 8 janvier 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt important (n° 20-18.484) élargissant le champ d’application de l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) aux créances salariales résultant de ruptures du contrat de travail initiées par le salarié en raison de manquements graves de l’employeur.
Avant cette décision, la jurisprudence française limitait la garantie de l’AGS aux créances nées de ruptures du contrat de travail postérieur au jugement d’ouverture, à l’initiative de l’employeur, de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur excluant ainsi les situations où le salarié prenait acte de la rupture ou demandait la résiliation judiciaire du contrat en raison de manquements de l’employeur (Soc., 20 décembre 2017, pourvoi n° 16-19.517 et Soc., 14 juin 2023, pourvoi n° 20-18.397).
Cette position était néanmoins critiquée pour sa non-conformité avec la directive européenne 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur. Celle-ci invoque une inégalité de traitement entre les salariés non justifiée, puisque la rupture du contrat ne saurait être appréciée comme résultant de la volonté du salarié dès lors que l’impossibilité de la poursuite de la relation contractuelle est due aux manquements graves de l’employeur.
Le parlement européen précise également que la finalité de cette mesure vise à garantir à tous les salariés un minimum de protection concernant leurs créances salariales, en cas d’insolvabilité de leur employeur.
Dans l’affaire en question, le salarié d’une entreprise en redressement judiciaire, avait, par l’intermédiaire de son avocat en droit du travail, pris acte de la rupture de son contrat en raison de manquements graves de son employeur. Il a également saisit le conseil des prud’hommes afin de demander un rappel des salaires, une indemnité pour exécution déloyale de son contrat de travail et une indemnité pour travail dissimulé. La société ayant été mise en liquidation judiciaire peu après, la question s’est posée de savoir si l’AGS devait garantir les créances salariales résultant de cette rupture.
La cour d’appel a estimé que la prise d’acte devait s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a fait droit aux demandes du salarié concernant les indemnités de rupture afférentes, les dommages et intérêts pour travail dissimulé, et exécution déloyale du contrat de travail. Elle affirme également que l’AGS doit prendre en charge ses différentes sommes.
L’AGS contestait cette décision et s’est pourvu en Cassation.
La Cour de cassation a jugé que l’AGS couvre désormais les créances impayées résultant de la rupture d’un contrat de travail lorsque le salarié a pris acte de la rupture en raison de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat, et que cette rupture intervient pendant l’une des périodes visées à l’article L. 3253-8, 2° du Code du travail.
Cet arrêt marque un revirement de jurisprudence alignant le droit français sur les exigences du droit européen, notamment suite à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 22 février 2024 (affaire C-125/23), qui s’opposait à une distinction fondée sur l’auteur de la rupture du contrat de travail concernant la garantie des créances salariales.
Cette évolution renforce la protection des salariés en cas d’insolvabilité de leur employeur, en leur assurant une garantie de paiement de leurs créances salariales, même lorsqu’ils sont contraints de rompre le contrat en raison de manquements graves de l’employeur.
Une question en cas de liquidation judiciaire de votre employeur ? ⇒ n’hésitez pas à contacter Maitre Erovic.
Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site.