Etat de grossesse : protection de la maternité et pouvoir de licencier 

licenciement femme enceinte

L’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 12 février 2025 (n° 23-22.310, publié au bulletin) apporte une clarification essentielle sur les règles entourant le licenciement des salariées protégées par la maternité, notamment en ce qui concerne la validité de la délégation du pouvoir de licencier.

Cet arrêt illustre l’extrême rigueur avec laquelle la Cour de cassation applique la protection des salariées enceintes, et souligne l’importance, pour les employeurs, de sécuriser leurs délégations de pouvoir avant d’engager une procédure de licenciement.

Sur la protection des salariées enceintes

Quelques rappels

L’article L.1225-4 du Code du travail vient préciser les modalités de licenciement pour les salariées enceintes. Il interdit le licenciement d’une salariée enceinte pendant « l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes ». Néanmoins, l’employeur conserve la possibilité de licencier une salariée enceinte pour faute grave non liée à la grossesse ou lorsqu’il se trouve dans l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

Mais attention, la rupture du contrat ne peut pas « prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au-dessus ». Celle-ci doit obligatoirement intervenir au retour de la salariée.

L’article L1225-5 vient préciser également que « le licenciement d’une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte ». Néanmoins, cette disposition ne s’applique pas en cas de faute grave ou d’impossibilité du maintien du contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

Pour rappel, lors du licenciement pour faute grave, l’employeur doit respecter une procédure stricte. Il doit d’abord convoquer le salarié concerné à un entretien préalable puis lui notifier sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception. La lettre de licenciement doit énoncer les motifs du licenciement et doit être signée par l’employeur (ou son représentant).

Dans les faits

En l'espèce

Dans cette affaire, une salariée ayant informé son employeur de sa grossesse a été licencié un mois plus tard pour faute grave. Elle contestait le licenciement et saisissait le conseil des prud’hommes afin de demander des dommages et intérêts pour la période de son éviction, de juger le licenciement nul et de condamner l’entreprise aux indemnités légales de licenciement.

En effet, la salariée faisait valoir que l’interdiction de notifier à une femme enceinte son licenciement pendant la période protégée n’avait pas été respectée et que l’auteur de la lettre de licenciement ne disposait pas d’une délégation de pouvoir valide.

N’étant pas entièrement satisfaite des décisions rendues par le conseil des prudhommes et par la cour d’appel, elle s’est pourvue en cassation avec son avocat spécialisé en droit du travail. La salariée ayant eu gain de cause sur la nullité du licenciement, son employeur avait également formé un pourvoi incident.

L’employeur justifie son action en invoquant son bon droit de licencier une salariée enceinte pour faute grave et reproche à la cour d’appel d’affirmer que la personne signataire de la lettre de licenciement ne disposait d’aucune délégation de pouvoir sans rechercher si la salariée avait bel et bien commis une faute grave, ce qui justifie le licenciement.

La salariée, quant à elle, faisait grief à l’arrêt de la cour d’appel, la déboutant de sa demande d’indemnisation au titre de sa période d’éviction. Elle se fondait sur l’article L1235-3-1 du Code du travail qui prévoit une indemnité , à la charge de l’employeur, lorsqu’un licenciement est considéré nul. La cour d’appel avait justifié sa décision sur le fait que la salariée n’avait pas subi de préjudice permettant l’octroiement de cette indemnité.

Sur la nullité du licenciement et l'indemnité afférente

Position de la cour d'appel

La Haute juridiction donne raison à la salariée et rappelle qu’en l’absence de preuve d’une délégation de pouvoir valable, le licenciement est automatiquement annulé. Elle précise que la charge de la preuve du licenciement pour faute grave reposant sur l’employeur, il doit pouvoir démontrer que le signataire de la lettre de licenciement disposait bien de l’autorité nécessaire.

La Cour constate également que la présence d’un préjudice n’est pas nécessaire pour l’obtention de l’indemnisation légale pour licenciement nul. La salariée a donc droit à cette indemnisation.

La Cour confirme alors la décision rendue par la Cour d’appel concernant le licenciement nul mais casse et annule l’arrêt en ce qui concerne le refus d’octroiement de l’indemnisation à la salariée.

A retenir

La Cour de cassation sanctionne sévèrement les licenciements irréguliers des salariées protégées par la maternité, en rappelant que toute délégation du pouvoir de licencier doit être formalisée avec précision.

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→ Salariées protégées : Un licenciement irrégulier peut être contesté et annulé avec indemnisation.

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